Christian Eiroa, l’homme qui bouscule le monde du cigare

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Héritier d’un empire tabacole né entre Cuba et le Honduras, Christian Eiroa aurait pu se contenter d’un destin tracé. Mais c’est en le défiant qu’il est devenu l’un des plus grands innovateurs de l’univers du cigare.


Il a le sourire franc de ceux qui n’ont rien à prouver, et la vivacité d’un homme qui n’a jamais cessé de se remettre en question. Christian Luis Eiroa, 52 ans, incarne à lui seul une certaine révolution tranquille du cigare. Si son nom reste associé au succès de la mythique marque Camacho, son influence dépasse largement les frontières de la tradition. Entre créativité, audace commerciale et engagement social, il s’impose aujourd’hui comme l’un des disruptifs les plus respectés du secteur.

Une enfance entre tabac et distance

Né en 1972 au Honduras, dans la vallée fertile de Jamastrán, Christian Eiroa est issu d’une famille d’exilés cubains, installés là après la révolution castriste. Le tabac coule dans ses veines depuis deux générations. Son grand-père, Generoso, quitte l’Espagne au tournant du XXe siècle pour s’installer à Cuba, où il fonde en 1915 la ferme La Victoria. Plus tard, son père, Julio, participe au débarquement raté de la Baie des Cochons avant de fuir l’île et rebâtir un empire tabacole en Amérique centrale.

Christian grandit donc dans cet univers, mais sans jamais envisager de s’y consacrer. « Je n’ai jamais voulu travailler avec mon père », confie-t-il. « Mon frère avait essayé, et ça s’était mal passé. » Son premier cigare, il le roule pourtant à huit ans, mais il lui faudra attendre presque trente ans pour s’y consacrer pleinement.

Un détour par la finance

Diplômé d’un master en commerce international en 1993, Christian part travailler dans la finance à la fin des années 1990. Un monde qui semble à mille lieues des plantations honduriennes. Mais son père lui propose une mission-passerelle : partir à la recherche de nouvelles sources de tabac alors que la demande explose. Ce sera son premier pas sérieux dans l’industrie.

Il parcourt alors le globe – du Mexique au Bangladesh en passant par l’Indonésie – et forge une expertise unique. Puis, son père acquiert la marque Camacho. Lorsqu’il prend sa retraite, Christian hérite de l’entreprise familiale… et choisit de tout bouleverser.

La renaissance de Camacho

Sous sa direction, Camacho change de visage. Il choisit de retravailler les cigares en y intégrant du corojo, une variété de tabac cubain oubliée dans son pays d’origine, mais particulièrement adaptée aux sols honduriens. Le succès est immédiat. Ces nouvelles versions explosent aux États-Unis, en pleine effervescence autour du cigare.

Mais le rythme est infernal. Pendant 82 mois consécutifs, la marque bat ses propres records de vente. « C’était grisant, mais aussi épuisant », reconnaît-il. En 2008, lassé par une vie sans répit et désireux de retrouver sa famille, il revend Camacho au groupe suisse Oettinger Davidoff. Place alors à quelques mois de retraite anticipée, consacrés à la pêche, au golf et à l’aviation amateur.

Revenir pour tout réinventer

Mais le cigare est un virus tenace. Très vite, Christian Eiroa reprend du service. Avec Tom Lazuka, ancien collègue et désormais associé, il lance deux nouvelles marques : CLE (ses initiales) et Asylum. Objectif ? Repartir de zéro. Réinventer.

C’est ainsi qu’il accepte à contrecœur l’idée – apparemment saugrenue – de produire des cigares gigantesques, de 7 × 70 voire 8 × 80. « J’ai dit à Tom que j’étais d’accord, mais seulement pour 100 000 pièces, afin de voir comment le marché allait réagit », raconte-t-il. Résultat ? Un raz-de-marée commercial aux États-Unis.

Le succès des modules XXL étonne encore Christian. « Ce n’est pas ma culture, les têtes de mort et les gros calibres », sourit-il. Mais il en comprend vite la logique : un rapport qualité/temps imbattable – plus de deux heures de dégustation pour 7 dollars – et un fort potentiel viral sur les réseaux sociaux. Car oui, un selfie avec un Asylum 13 de 8 × 80 en main attire bien plus de regards qu’un classique Robusto.

Innover, toujours

Le mot est lâché : disruption. Christian Eiroa revendique cette approche quasi-startup du cigare. Camacho avait déjà cassé les codes, Asylum les explose. Cigares bicolores façon barber pole, double capes, formats démesurés : il ose là où beaucoup n’auraient même pas tenté.

Mais au-delà du produit, Eiroa défend aussi une certaine idée de la responsabilité sociale. À Danlí, sa fabrique dispose d’une clinique gratuite pour ses employés. Ses plantations sont certifiées pour le recyclage de l’eau, et il est engagé dans des programmes de reforestation. « Ce pays nous a beaucoup donné. C’est normal de lui rendre. »

Le classicisme en héritage, la modernité en étendard

Christian Eiroa est une figure singulière dans le monde très codifié du cigare. Héritier assumé, mais contestataire dans l’âme, il a su conjuguer tradition et innovation, luxe et accessibilité, raffinement et exubérance. Il a misé sur l’imprévisible, écouté les signaux faibles du marché, et anticipé des tendances devenues des standards.

Là où d’autres cultivent l’héritage, lui préfère écrire l’avenir.

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